Arnaud Decatoire

Ingénieur de Recherche à l’institut Pprime (UPR 3346), il développe et  met au point les outils de capture du mouvement et de mesures des interactions des systèmes étudiés avec leur environnement en fonction des projets de l’axe RoBioSS. Il met également au point des Travaux Pratiques en biomécanique pour les étudiants de la faculté des sciences du sport de Poitiers (analyse d’images, plateforme de forces, théorème de l’énergie, dynamique inverse, simulation …) et développe depuis 2007 du concept des Classes Olympiques Sciences et sport en convention avec le Ministère de l'Education Nationale et le Comité National Olympique du Sport Français.

PC 2015 – TABLE RONDE

- Intervenant -

 

" Mécanique humaine et situations d'apprentissage : comprendre pour mieux enseigner"

 

Jeudi 12 novembre 2015 à 17 h 00

RÉSUMÉ INTERVENTION

Généralement les sciences sont utilisées pour comprendre les activités physiques et sportives,  mais contrairement aux idées reçues, le sport par les sensations qu’il procure, permet aussi d’aborder l’enseignement des concepts scientifiques sous-jacents, en particulier ceux de la mécanique newtonienne hermétiques pour beaucoup d’adolescents. Deux exemples issus de la gymnastique artistique, le salto vrillé et l’appui tendu renversé (ATR), permettent d’illustrer ce propos.

 

Le premier exemple vise à montrer comment l’approche scientifique, initiée par  DEMENΫ (1904), peut aider l’entraîneur/enseignant à mieux comprendre les difficultés rencontrées par les élèves et ainsi y remédier plus efficacement. Cette approche, encore insuffisamment transférée de la recherche vers l’enseignement, permettrait par exemple d’expliquer pourquoi un gymnaste apprenant à réaliser un salto vrillé échoue, quasi-systématiquement, lors de ses premières tentatives ; la modification de la gestuelle, pour passer d’un salto à un salto vrillé, est pourtant simple ; il « suffit » d’abaisser latéralement un des deux membres supérieurs plutôt que les deux. Le principal exercice proposé au gymnaste avant ses premières tentatives est de mimer, à la station debout, le mouvement de bras. Le problème est que les actions musculaires à mettre en jeu lors de cette situation de mime sont totalement différentes de celles qui devront être produites lors du salto. Ce phénomène peut être mis en exergue par l’étude des couples articulaires au niveau de l’épaule, actionneurs du mouvement du bras par rapport au tronc.

 

L’exemple de l’ATR illustre, quant à lui la démarche, issue des travaux de recherche de l’Institut PPRIME. En effet, l’analyse d’un mouvement sportif, quel qu’il soit, offre une opportunité motivante pour les élèves d’aborder et de mettre en application des notions et concepts issus des différents champs scientifiques (mécanique, physique, mathématiques, biologie, physiologie, technologie …). Le centre de gravité d’un système poly-articulé et son mouvement, au travers de ses quantités de mouvements linéaires et angulaires, sont des notions quantifiables lors de l’analyse d’une montée en ATR, dès lors que l’on dispose du matériel nécessaire pour filmer le mouvement, d’un modèle adapté et d’outils mathématiques indispensables (vecteur, référentiel, barycentre, dérivée, …) pour effectuer les calculs. L’analyse comparative, au filtre des paramètres mentionnés, d’un ATR réussi et d’un ATR manqué est un moyen concret de montrer le rôle joué par ces grandeurs physiques dans la réussite ou l’échec du geste. En allant plus loin, c’est-à-dire en analysant la situation d’apprentissage mise en œuvre pour remédier au problème rencontré lors de l’ATR manqué, il devient alors possible d’évaluer l’effet (positif ou non) de l’aménagement matériel et/ou des consignes sur les paramètres étudiés. Ainsi, en plus de favoriser une maturation des concepts par la répétition des mises en situation, cette approche méthodologique (analyse du geste de référence, puis du geste manqué et enfin du geste réalisé en situation aménagée) amène nécessairement l’élève (mais aussi l’enseignant/entraîneur), à s’interroger sur ce qu’il fait, tout en donnant du sens aux enseignements dispensés dans les différentes disciplines scolaires.

 

En conclusion, ces deux approches, bien que de sens apparemment opposés  sont complémentaires. En effet, une fois les concepts acquis, après analyse des diverses situations, ils peuvent être réinvestis pour comprendre les subtilités d’autres mouvements et proposer ainsi des exercices d’apprentissage plus appropriés. Pour conclure, nous voudrions voir l’E.P.S. participer à la mise en place de la  culture scientifique nécessaire aux adultes de demain, et ce, dès le collège dans de nouveaux programmes interdisciplinaires. Selon De Vecchi (1995) développer à l’école le sens de l’observation est une nécessité mais « l’homme voit non pas avec ses yeux, mais avec ses concepts ».

 

Georges DEMENΫ (1904) Mécanisme et éducation du mouvement- Paris- Félix Alcan

Gérard De VECCHI (1995) Le sens de l’observation- Hors-série Sciences et Avenir

 

 

Poitiers les 12 et 13 Novembre 2015